Le rapport de l’Itab démontre des bénéfices économiques de l’agriculture biologique par rapport au conventionnel en matière de santé, de traitement de l’eau, de pollinisation, de stockage carbone des sols ou de création d’emplois.
Très attendus par la filière bio, l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) a dévoilé le 25 novembre les résultats de son étude, commandée en juin 2015 par le ministre de l’Agriculture, qui chiffre économiquement les externalités positives ou aménités environnementales des productions bio. Cette étude, menée avec l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), les évalue et les compare par rapport à l’agriculture conventionnelle. Pour ce faire, les responsables de l’étude, Natacha Sautereau de l’Itab et Marc Benoit de l’Inra, tous deux agro-économistes, ont passé en revue 280 publications scientifiques internationales disponibles. Ils ont chiffré les externalités du bio rapportées à l’hectare de grandes cultures.
Les auteurs rappellent le cahier des charges de la filière bio qui n’utilise pas de produits chimiques de traitements, interdit les engrais azotés chimiques ainsi que les semences OGM. Le bio limite aussi le recours aux additifs alimentaires et les traitements vétérinaires par antibiotiques. Des critères qui présentent des avantages économiques en zones de grandes cultures, liste le rapport. « Nous avons retenu les faits les plus saillants », a souligné Natacha Sautereau de l’Itab.
Une meilleure qualité de l’eau et des sols
L’agriculture bio met en œuvre des rotations culturales plus longues et diversifiées (avec prairies, alternance de cultures d’hiver et de printemps) pour « contrôler les adventices, maladies et ravageurs ». Elle cultive aussi davantage de légumineuses pour apporter de l’azote.
Ainsi, sur la qualité de l’eau, les données montrent un impact des nitrates réduit de 30 à 40% en agriculture biologique. Les chercheurs ont estimé des économies de l’ordre de 20 à 46€/ha par an du coût du traitement de l’eau polluée aux nitrates et aux pesticides.
Concernant la biodiversité, le rapport évalue de 3,5 à 48 €/ha/an les services de pollinisation dans les grandes cultures bio. Les chercheurs ont estimé le coût moyen des traitements insecticides chimiques évités par le bio, pour réguler les ravageurs, compris entre 10 et 21 €/ha en grandes cultures.
Le stockage de carbone organique dans les sols est aussi plus important que le conventionnel : « 10 tonnes de plus par hectare dans le bio », a souligné Marc Benoit de l’Inra. Soit 37,4 t/ha pour le bio contre 26,7t pour l’agriculture conventionnelle. Le rapport souligne également moins d’eutrophisation et une moindre érosion dans le bio grâce à des teneurs en matière organique plus importantes qui favorisent la rétention de l’eau dans le sol.
Moins de cancers liés aux pesticides et plus d’emplois créés
En matière de santé, les auteurs estiment que l’agriculture bio fait économiser entre 62 €/ha à 141 €/ha de coût des décès évités par cancers liés aux pesticides. Les aliments bios présentent également des teneurs en nitrate inférieures de 30% et de 87% pour les nitrites qui peuvent affecter l’hémoglobine chez le nourrisson. Les produits présentent aussi des teneurs plus faibles en cadmium (25 à 50%) et des teneurs plus élevées pour les antioxydants (de 18 à 69 %).
L’emploi est également favorisé dans le bio : le coût de chômage évité pour la collectivité peut être estimé entre 19 et 37 €/ha/an en grandes cultures.
En moyenne, une exploitation bio représente 2,4 unités de travail annuel (UTA, c’est-à-dire le temps de travail d’une personne à temps complet pendant un an), contre 1,5 en conventionnel, selon Marc Benoit de l’Inra.
Des approfondissements encore nécessaires
En revanche, s’agissant des ressources foncières, « du fait de ses rendements moindres », le bio consomme plus de terre pour produire la même quantité de nourriture que le conventionnel.
Concernant la pollution de l’air associée à la fertilisation azotée, les auteurs n’ont pas pu différencier les contributions respectives du bio et du conventionnel car ces pollutions sont également liées à la présence de l’élevage. De même, le bénéfice du bio, qui recourt moins aux antibiotiques en élevage, est « non chiffrable de façon précise ». »En effet, le transfert des résistances entre les bactéries humaines et animales existe, mais les chercheurs soulignent les difficultés d’estimer l’importance de ce processus », expliquent les auteurs.
« Des approfondissements restent nécessaires quant à la quantification et le chiffrage global des externalités positives de l’agriculture bio », a conclu Natacha Sautereau de l’Itab. Les différentiels d’externalités entre le bio et le conventionnel dépendent des pratiques qui sont « susceptibles d’évoluer ». Notamment avec les réductions visées de l’utilisation des pesticides d’ici 2025 (plan EcoPhyto 2) et si le bio gagne encore en surfaces.
Vers la rémunération des services rendus par le bio ?
Le ministère de l’Agriculture envisage « l’hypothèse d’un soutien public au bio fondé sur la rémunération de ses aménités », dans le cadre de la PAC post-2020. Cette étude a mis en évidence les nombreux bénéfices du bio « permettant de justifier un soutien financier reposant sur ces atouts avérés ». Mais il y a encore « des incertitudes et des manques », souligne Natacha Sautereau, qui n’ont pas permis aux auteurs de calculer une rémunération des producteurs bio pour ces services environnementaux.