Denis Sergent, le 15/12/2016 à 8h01 Mis à jour le 15/12/2016 à 8h31
Selon des biologistes franco-américains, le très faible taux de succès de gestation dans le clonage des bovins (5 à 15 %) est principalement dû à un défaut d’échange de signaux entre l’utérus et l’embryon cloné.
Les bovins sont plus difficiles à cloner que d’autres animaux. / Nicolas Dieppedalle/Fotolia
En matière d’élevage – lapins, ovins, porcins, bovins –, des scientifiques cherchent depuis près de vingt ans à maîtriser le clonage pour obtenir des animaux hyperproductifs. Pour cela, ils pratiquent par transfert du noyau d’une cellule adulte dans un ovocyte (ou clonage somatique).
C’est ce qu’ont réussi les chercheurs d’Édimbourg avec la brebis Dolly en 1996, puis l’Inra avec la vache en 1998. Mais chez les bovins, les biologistes n’aboutissent à la naissance de veaux en bonne santé que dans 5 à 15 % des cas, contre 30 à 60 % pour la fécondation in vitro.
Pourquoi un taux aussi faible ? Quels sont les mécanismes en jeu ? Quel est le rôle des interactions entre l’embryon et l’utérus en début de gestation ?
« En 2009, nous avions révélé, avec nos collègues de l’Université de Californie à Davis (États-Unis), le rôle de biocapteur de l’utérus vis-à-vis de la qualité des embryons », explique Olivier Sandra, de l’unité de Biologie du développement et reproduction de l’Inra à Jouy-en-Josas. Nous avons montré comment l’utérus est un organe sophistiqué, dynamique et actif, capable de reconnaître, par un mécanisme de régulation très fin, le type d’embryon avec lequel il établit un contact au moment de l’implantation, selon que cet embryon est issu de clonage, de fécondation in vitro ou d’insémination artificielle (IA), cette dernière étant très courante en élevage bovin ».
Des interactions entre l’embryon cloné et l’utérus
Récemment, les mêmes chercheurs ont poursuivi leurs travaux en comparant les niveaux d’expression des gènes, à la fois au niveau de l’utérus et du futur placenta (1). « Nos résultats révèlent des effets majeurs associés aux embryons clonés dès le 18e jour de gestation : plus de 5 000 gènes sur 30 000 s’expriment dans des embryons clonés différemment que les gènes des embryons issus d’insémination artificielle. »
En comparant ces gènes avec le génome de la souris, on s’aperçoit que plus de 250 d’entre eux sont associés à des caractères (phénotypes) mortels, provoquant des défauts de développement embryonnaire ou extra-embryonnaire.
« Ces travaux suggèrent une forte perturbation des signaux qui régissent les interactions entre l’embryon cloné et l’utérus et bouleversent le bon déroulement de la gestation », conclue Olivier Sandra.
De nouvelles techniques d’intervention sur les gènes
Ces travaux font progresser la compréhension des mécanismes conduisant aux échecs de gestation dans le clonage. Mais du strict point de vue de l’élevage des animaux du futur, ces résultats laissent penser que « le clonage n’est plus la seule méthode pour obtenir des animaux génétiquement proches et de très haute performance, observe Olivier Sandra (2). De nouvelles techniques d’intervention sur les gènes, comme la méthode Crispr-cas9, sont plus faciles d’emploi et peu coûteuses », poursuit le biologiste.
« Cette technique, que certains spécialistes considéraient comme utopique, valait la peine de faire l’objet de recherches, explique Jean-François Courreau, professeur honoraire de zootechnie à l’École vétérinaire de Maisons-Alfort. Aujourd’hui, la sélection quantitative des meilleurs taureaux laitiers, facilitée par l’accès au génome, donne de très bons résultats ».
En d’autres termes, on ne devrait pas à l’avenir voir de grandes étables avec des animaux se ressemblant et produisant tous la même quantité de lait. Et nous ne mangerons sans doute jamais de clones.